Je vais un peu casser l'ambiance, mais c'est juste pour vous dire prudence les gars !
Ne pensez pas que ça arrive qu'aux autres, que dans les coins reculés de campagne on est hors de danger.
Pas pour faire pleurer dans les chaumières, mais juste pour prendre conscience que la vie est fragile. Bien qu'on le sache, on pense qu'aujourd'hui n'est pas le jour.
Mon papa est en Ehad. Il a toute sa tête et bien plus, mais plus ses jambes depuis octobre l'année passée. Dans une petite commune. Donc pas de risque puisqu'ils sont confiné dans leur chambre et pas de visite depuis le 8 mars.
vendredi 20, je l'appelle, il me dit qu'il a peur, que des gens passent par le plafond la nuit. Une dizaine de personnes. Ils sont dangereux.
Toute la journée ça a duré. Je préviens l'Ehpad. Ils ont bien remarqué oui.
Le lendemain, matin, 8h30 je l'appelle pour savoir si la nuit s'est bien passée. Sans oser dire le mot "hallucination". Il me dit que oui. Je suis contente. Puis il continue en me disant que des gens sont venus le chercher, qu'il les attend pour manger...
L'après midi je rappelle, là il rentrait de l'école, et tout l'après midi ça a duré. Il hallucine.
Dimanche matin 10 heures, l'Ehpad m'appelle. Pas bon signe. Ils viennent d'hospitaliser mon père en insuffisance respiratoire. Ils craingnent le Covid19. Évidemment, on a pas eu le temps de l'appeler avant. Ils ont mis son téléphone, mais pas le chargeur, et interdiction de le lui emporter bien entendu.
Il est aux urgence. L'après midi le test est fait.
Le lendemain donc lundi (car c'est long pour avoir les résultats contrairement à ce qu'on nous dit à la télé), l’hôpital me dit qu'il est négatif. OK, on le monte en gériatrie. Je l'appelle, contrairement à l'après midi, il râle. C'est que ça va mieux. Il a un épanchement dans les poumons vu la radio, c'est dû à de l'eau. Un traitement et il rentre. Cependant il est toujours sous assistance respiratoire.
Le lendemain, donc mardi 15H45 (hier) l'hopital m'appelle. Je n'aime pas le ton qu'ils ont. C'est l'interne qui est au téléphone. Les paroles posées et tranquilles ne me rassurent pas. "On vient de passer un scanner, et bla bla bla... il a une pneumonie dûe au Covid19". Le couperet tombe. Ils viennent de lui annoncer avant de m'appeler. Comme il n'a plus de batterie, il a reçu la nouvelle sans que je puisse être là au téléphone avec lui. Pour éponger un peu sa douleur psychologique.
Je demande pourquoi le test fait la veille était négatif, et pourquoi maintenant c'est différent. On me dit que 30 à 40% des tests fait par le nez et qui reviennent négatifs, sont positifs en fait. Ca veut dire que 40% des gens testés négatifs, sont positifs en fait !!! A quoi ca sert de faire des tests en masse alors ?
Bref, j'appelle mon frère, car on me demande qu'elle attitude ils doivent tenir si son cas s'aggrave, en sachant que la réanimation est surchargée et qu'il n'ira pas en réa. Trop vieux.
Là dessus je rappelle la maison de retraite pour les prévenir, j'appelle mon frère et toute sa famille, je lui fais mettre le téléphone dans sa chambre pour qu'il puisse partager quelques moments, car l'issue sera peut être très rapide. Tout le monde est bien entendu toute retournée.
Son médecin traitant qui le suit depuis 37 ans m'appelle et me dit qu'il savait depuis le vendredi que c'était le Covid19, et que c'est lui qui a demandé le scanner car il est sûr que l'hopital a fait erreur en disant qu'il est négatif. Il me dit aussi que dans les Ehpad, dès qu'un premier cas est décelé, plus aucun résident ne partent à l'hopital, on les refuse, l'Ehpad doit les garder et il n'ont aucune chance. Et il me dit sur le ton de la confidence "ce virus est une saloperie, beaucoup de personnel médical seront contaminé, moi je suis sûr de l'avoir, ma femme aussi, mes enfants qui sont médecins aussi le sont. Et moi et ma femme on sait qu'on ne sera pas - ELIGIBLE - a la réanimation. On sera perdu".
Ca m'a fait toucher du doigt tous ces gens qui continuent à soigner, au risque de leur vie, en sachant qu'ils ne seront pas prioritaire pour être soignés.
A 19H la même interne me rappelle.... pas à l'aise du tout. "On a revu le dossier de votre père, on pense qu'il a une bactérie et non un virus. Et ça serait ça qui cause les taches dans les poumons...je sais l'ascenseur émotionnel qu'on vous fait vivre mais....".
Je rappelle son médecin traitant qui me dit "méfiance, moi je pense que c'est le Corona".
Que penser, que faire que dire. Juste faites attention, ne pensez pas que vous êtes intouchables, que faire les courses, aller se promener et braver les règles mises en place n'est pas pour vous.
QUand je vois ces médecins qui au risque de leur vie, continue leur travail... je me dis qu'on a pas le droit de courir de risque.
Je sais que vous le savez, mais cette histoire, qui touche mon père, et nous avec, m'a fait prendre conscience de façon plus vive, qu'on est rien du tout et qu'il faut nous préserver... et préserver les gens qu'on aime. Et ceux qu'on aime pas non plus d'ailleurs.
